Compte-rendu congrès ECFS

Du 10 au 12 juin, le Congrès européen de la Mucoviscidose, organisé par la European Cystic Fibrosis Society (ECFS), se déroulait pour la deuxième année consécutive de manière entièrement digitale. De manière prévisible, le Covid-19 et les modulateurs CFTR ont tenu les rôles principaux.

Le Covid-19 marquera-t-il définitivement le virage vers la télémédecine ?
Sur base des chiffres récoltés par le Registre européen de la Mucoviscidose, (130 cas rapportés jusqu’à la fin juin 2020), on peut dire que le déroulement d’une infection au Covid-19 chez les personnes atteintes de mucoviscidose ne semble pas trop mauvais. Cependant, une série de découvertes importantes appellent à la prudence : comparées aux personnes sans mucoviscidose du même âge, celles qui ont la mucoviscidose sont plus souvent infectées par le coronavirus, et ce de manière encore plus manifeste encore chez celles ayant subi une transplantation. De plus, les personnes atteintes de mucoviscidose ont été plus souvent admises à l’hôpital.

Nous collectons actuellement les données de la deuxième et de la troisième vague, ceci afin d’identifier les facteurs de risque d’une évolution sévère du Covid-19.
Une grande attention a également été accordée à l’impact psychologique du Covid-19 sur les personnes atteintes de mucoviscidose. De manière générale, les études menées durant la première vague Covid-19 ont montré que l’impact psychologique du confinement était globalement moins important chez personnes ayant la mucoviscidose que chez celles du groupe contrôle. En outre, les niveaux de détresse psychologique chez les personnes atteintes de mucoviscidose n’étaient pas liés à leur degré d’atteinte pulmonaire. Parmi elles, les symptômes de détresse psychologique, d’anxiété et de dépression étaient toutefois plus importants chez les femmes que chez les hommes.

Néanmoins, des données plus récentes indiquent que les personnes ayant la mucoviscidose ont plus souvent ressenti de la détresse psychologique durant la seconde vague de Covid-19. Ce constat souligne combien il est important d’évaluer régulièrement la santé mentale des personnes atteintes de mucoviscidose au cours d’une crise aussi évolutive et dynamique que celle que nous traversons. Il s’agit-là d’un aspect important dont devront tenir compte les spécialistes de la santé mentale afin d’orienter et d’adapter au mieux leurs interventions.

Pour certains, le confinement présente par ailleurs des aspects positifs. Ce point fut notamment rapporté au cours du touchant témoignage d’un patient adulte belge. Travailler depuis la maison, courir moins de risques d’infections, gagner du temps… autant d’aspects qui lui ont permis de se sentir plus serein, de mieux gérer sa thérapie et de faire davantage de sport. Et, de son point de vue, le déconfinement est davantage source de frustration : la population générale retourne progressivement vers une vie normale, une vie qui n’a jamais été totalement à la portée des personnes ayant la mucoviscidose. Le Covid-19 disparaît, mais la mucoviscidose et son impact sur le quotidien demeurent.

L’une des conséquences les plus importantes du Covid-19 est qu’un nombre croissant de personnes, tant au sein de l’équipe soignante que parmi les patients, se familiarisent avec la télémédecine. Par exemple sous la forme de consultations online ou de prescriptions via e-mail. Maintenant que la plupart des adultes atteints de mucoviscidose sont vaccinés et que nous pouvons prudemment à nouveau ‘sortir de notre cabane’, se pose la question de savoir si la télémédecine sera appelée à s’installer de manière durable. Ou si nous allons à nouveau vers des consultations physiques au sein du centre muco. Les spécialistes eux-mêmes sont partagés sur la question, mais la tendance générale est que certaines consultations digitales pourront être menées lorsque le patient est stable et qu’aucun sujet sensible ne doit être abordé.

Un suivi ‘live’ régulier par l’équipe multidisciplinaire demeure en effet important. Vous avez des questions ou des doutes à ce propos ? Vous êtes réticents à l’idée de reprendre à nouveau une vie ‘normale’ ? Ou encore vous aimeriez participer à l’aventure numérique, mais vous ne disposez pas d’ordinateur ou d’internet ? N’hésitez pas à aborder le sujet avec votre centre muco.

 

Les modulateurs CFTR soulèvent également de nouveaux défis
Au cours du congrès, des nouvelles encore toutes chaudes nous sont parvenues : l’Agence américaine des médicaments FDA a approuvé l’usage du Kaftrio pour les enfants touchés par certaines mutations à partir de 6 ans. L’Agence européenne des médicaments EMA examine actuellement cet abaissement de l’âge et une décision est attendue dans les mois à venir. Lors d’une séance de questions-réponses, le vice-président de Vertex a été très clair : la stratégie de Vertex est d’administrer les modulateurs le plus rapidement possible aux personnes atteintes de mucoviscidose, si possible dès avant la naissance. Une manière d’éviter au maximum les lésions pulmonaires et pancréatiques. Bien sûr, ceci nécessitera encore de nombreuses recherches préalables.

Dans quelques grands pays voisins comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, le Kaftrio est déjà remboursé. Un grand nombre de données y ont donc déjà été rassemblées concernant l’impact psychosocial des modulateurs CFTR les plus efficaces. Quelques aspects ont été relevés :

  • Le sentiment de survivor’s guilt (syndrome du survivant) : pourquoi ai-je la chance de recevoir ces médicaments et tant d’autres pas ? Est-ce que je le mérite vraiment ?
  • La peur de perdre le lien avec l’équipe muco et/ou les autres patients atteints de mucoviscidose parce que je me trouve dans une autre phase de la maladie
  • Le fait qu’avant de commencer à prendre le Kaftrio, certaines personnes voyaient leur futur de manière complètement différente. La nouvelle thérapie offre tout à coup de toutes nouvelles perspectives (études, travail, famille). Comment donner un sens à cette nouvelle vie et à ce changement ?
  • Le fait qu’en fonction de leur mutation, certaines personnes n’entrent pas en ligne de compte pour le traitement et peuvent se sentir abandonnées
  • Les effets ne sont pas spectaculaires chez tout le monde, que faire dans ce cas-là ?
  • L’utilisation des modulateurs engendre souvent une prise de poids. Comment faire face à cette nouvelle image de soi ?
  • La prise de modulateurs peut également provoquer des crises d’angoisse et des insomnies

De nombreux défis qui nécessitent donc un bon soutien psychologique.
La disponibilité de ces modulateurs entraîne également des défis sur le plan des études cliniques portant sur d’autres médicaments. Il est par exemple très important que d’autres modulateurs mis au point par d’autres firmes pharmaceutiques soient mis sur le marché. Ceci afin de pouvoir exercer une pression sur les prix de cette nouvelle classe de médicaments. Mais comment prouver l’efficacité d’un modulateur chez des personnes qui prennent déjà du Kaftrio et chez qui la fonction pulmonaire a déjà augmenté de manière spectaculaire ? Il faudrait pouvoir demander à ces personnes d’interrompre la prise de Kaftrio pour tester un autre modulateur. Mais les gens sont-ils prêts à faire cette démarche ? On pourrait également se rendre en Europe de l’Est où les patients n’ont actuellement pas accès aux modulateurs. Mais est-il éthique de leur demander de tester un médicament dont on sait qu’il sera difficile à obtenir sur leur marché ?

D’autre part, il demeure important de continuer à développer de nouveaux médicaments capables de réduire les infections et les inflammations. Actuellement, la fonction pulmonaire représente le critère le plus important afin de décider si un médicament est efficace ou pas. Mais chez les personnes qui prennent des modulateurs, la fonction pulmonaire a déjà évolué et l’effet à court terme d’autres médicaments sur celle-ci sera donc très limité. Même si ces nouveaux médicaments entrainent des changements positifs à l’intérieur des poumons. De nouveaux paramètres devront donc être développés afin de permettre d’évaluer l’efficacité des nouveaux médicaments.

La fumée de cigarette a un effet néfaste sur l’efficacité du Symkevi
Une étude menée aux États-Unis a comparé la fonction pulmonaire après la prise de Symkevi entre des enfants grandissant dans un environnement sans fumée de cigarette, et des enfants exposés de manière secondaire à la fumée de cigarette (dont les parents ou les proches fument dans leur environnement immédiat). Les résultats sont spectaculaires : chez les enfants exposés à la fumée de cigarette, le Symkevi n’a pas engendré d’augmentation spectaculaire de la fonction pulmonaire, alors que suite aux résultats des études cliniques, on s’attendait à une augmentation moyenne de 3 à 7 %. Cela pourrait représenter l’une des explications face aux réactions tellement différentes de certaines personnes suite à la prise de modulateurs : chez l’une, on constate une augmentation spectaculaire de la fonction pulmonaire, alors que chez l’autre, l’effet est à peine perceptible.

En fait, la fumée de cigarette provoque une chute du nombre de canaux CFTR dans les poumons, et on sait que chez les personnes atteintes de mucoviscidose, ces canaux sont rares, fonctionnent mal ou sont inexistants. En tant que société, nous devons donc faire un effort important afin d’offrir à nos enfants la possibilité de grandir dans un environnement sans tabac. Dans le cas de la mucoviscidose, il s’agit de l’un des rares facteurs susceptibles d’influencer la maladie sur lequel nous avons une prise directe. Hélas, il est apparu que la pandémie du Covid-19 a précisément provoqué une hausse de l’exposition secondaire des enfants à la fumée de cigarette. Il reste donc encore du progrès à faire !

Le rôle du patient atteint de mucoviscidose
Le congrès ECFS est un congrès scientifique et médical. Heureusement, la personne atteinte de mucoviscidose en tant que telle n’est pas oubliée. Comme le montre une série de présentations où la personne atteinte de mucoviscidose était au centre du débat. Des traitements alternatifs susceptibles de diminuer la lourdeur du traitement sont également explorés. Et on consacre de plus en plus de sessions au bien-être psychologique des personnes ayant la mucoviscidose.

Mais surtout, ces dernières prennent de plus en plus souvent la parole. Les personnes atteintes de mucoviscidose originaires de notre pays étaient particulièrement bien représentées. C’est ainsi que Valérie Storms et Jim Van Loo ont respectivement pu partager un témoignage à propos de la manière dont ils vivent leur maladie. La famille Gorssen a pu raconter comment elle a traversé la période de pandémie du COVID avec une petite fille atteinte de mucoviscidose. Sans oublier le petit film réalisé par l’Anglais Marc Cotterill. Tous montrent ce qui représente l’essence même de notre travail : le soin aux personnes atteintes de mucoviscidose.