L’administration de Kalydeco® à des furets atteints de mucoviscidose avant et après la naissance permet de ralentir l’évolution de la maladie

Le furet en tant que modèle animal pour la mucoviscidose  

Même si cela ne se voit pas au premier regard, nous avons plus en commun avec le furet que nous l’imaginons. Du point de vue anatomique, les  poumons des furets offrent beaucoup de similitudes avec les nôtres. Ils fonctionnent également de la même manière. On a donc eu l’idée d’élever des furets chez qui la protéine CFTR ne fonctionne pas, tout comme c’est le cas chez les personnes atteintes de mucoviscidose. Un tel modèle animal peut donc être utilisé afin de mieux comprendre la maladie et éventuellement de tester de nouveaux traitements.

L’évolution de la maladie chez les furets est effectivement semblable à celle des personnes atteintes de mucoviscidose. Dès après la naissance, des infections que le système immunitaire n’est pas capable de combattre de manière efficace se manifestent.

Le type de bactéries que l’on retrouve dans les poumons des furets atteints de mucoviscidose est semblable à celui des poumons des patients. De plus, les poumons des furets sont également obstrués par un mucus épais. Ce qui provoque des réactions inflammatoires importantes. Le système digestif des furets est plus gravement touché que celui des patients. Plus de la moitié des animaux est touchée par une occlusion intestinale grave (ileus meconium) qui entraine une réaction d’inflammation généralisée et provoque leur mort. De telles obstructions intestinales surviennent chez 1 bébé atteint de mucoviscidose sur 10 et sont faciles à traiter. Quelques mois après leur naissance, 85% des furets sont insuffisants pancréatiques. Ce pourcentage correspond à celui que l’on relève chez les personnes atteintes de mucoviscidose.

Pourquoi administrer du Kalydeco® aux fœtus et aux nouveau-nés ?

Le Kalydeco® est ce qu’on appelle un potentiateur-CFTR qui permet aux canaux CFTR à la surface des cellules de rester plus ouverts. Le médicament est approuvé et remboursé en Belgique pour les personnes atteintes de mucoviscidose à partir de 2 ans avec minimum 1 à 9 ‘mutation-gating’. Il existe des indications qui montrent que la mucoviscidose engendre des anomalies dans l’organisme dès avant la naissance et juste après. Comme l’ileus meconium, et l’apparition (courante) d’insuffisance pancréatique au cours des 2 premières années de vie. Des anomalies ont également déjà été détectées dans les poumons de très jeunes enfants et même du fœtus. L’apparition de symptômes précoces liés à la mucoviscidose peut avoir un effet irréversible à long terme: malgré un traitement adéquat, les bébés atteints de mucoviscidose ont un retard de croissance par rapport à leurs petits camarades en bonne santé. Une mauvaise croissance après la naissance peut mener à l’apparition d’infections pulmonaires précoces. En commençant le traitement avec les modulateurs CFTR le plus tôt possible, une telle situation pourrait être évitée.

L’objectif de cette étude était d’étudier les tout premiers symptômes de la mucoviscidose, et de voir quel effet le Kalydeco® pouvait avoir avant la naissance et juste après. Comme on ne sait pas encore très bien si les modulateurs CFTR peuvent être administrés en toute sécurité en début de vie, on a choisi de travailler sur un modèle animal. Dans ce cas, le furet atteint de mucoviscidose.

 

L’administration du Kalydeco® à des furets en gestation diminue le risque d’ileus meconium, et de malformation du système de reproduction chez les sujets mâles.

Afin de pouvoir mener à bien cette étude, les chercheurs ont élevé des furets touchés par la mutation G551D (ce qu’on appelle ‘mutation-gating’) sur l’une ou les deux copies du gène-CFTR. Le Kalydeco® a été administré le 28e jour de gestation des femelles. Ce  timing correspond en gros au début du troisième trimestre de grossesse chez la femme. Après la naissance, l’incidence de l’ileus meconium a été réduite de manière significative. Le traitement a également entraîné une meilleure survie.  

99% des hommes adultes atteints de mucoviscidose sont stériles parce qu’il n’y a pas de spermatozoïdes dans l’éjaculat à cause de l’absence de canal déférent. L’administration du Kalydeco® durant la grossesse a véritablement permis au canal déférent de se développer chez les furets mâles !

 

L’administration du Kalydeco® à partir de la naissance favorise la croissance et permet de préserver le fonctionnement du pancréas

Dans une série de nouvelles recherches, les scientifiques ont administré du Kalydeco® aux furets atteints de mucoviscidose juste après la naissance. On a pu constater que les furets mâles touchés par la maladie grandissaient au même rythme que ceux en bonne santé, ce qui représentait un signe très encourageant. Les jeunes furets avec une seule mutation G551D (= seule la moitié des  protéines CFTR peut être ‘sauvée’ par le Kalydeco®) étaient insuffisants pancréatiques, mais continuaient malgré tout à grandir normalement, sans enzymes pancréatiques supplémentaires. Avec l’administration du Kalydeco®, les jeunes mâles avec deux mutations G551D conservaient un bon fonctionnement du pancréas. Chez ces furets, on est également parvenu à éviter le développement d’un diabète lié à la mucoviscidose.

 

Impact de l’interruption du traitement avec le Kalydeco®: apparition des symptômes classiques liés à la mucoviscidose

Pour finir, les chercheurs ont étudié quel serait l’effet de l’interruption du traitement avec le Kalydeco®. Les furets continuent-ils à développer des symptômes de la mucoviscidose ? Est-ce qu’il existe une relation avec la durée du traitement avec le Kalydeco® auquel ils ont été soumis? Les chercheurs ont découvert que lorsque le Kalydeco® a été donné durant la gestation et jusqu’à 25 jours après la naissance, et qu’il est interrompu ensuite, les furets atteints de mucoviscidose grandissent aussi bien que les furets en bonne santé et bénéficient de chances de survie équivalente. Si le traitement est interrompu plus tôt, des symptômes se manifestent comme l’occlusion intestinale et les infections pulmonaires pour lesquelles les sujets doivent la plupart du temps être euthanasiés. Par la suite, les autopsies ont montré qu’il y avait du mucus épais dans les poumons des animaux morts.

Chez les furets avec deux mutations G551D, on a constaté qu’après interruption du traitement avec le Kalydeco®, le fonctionnement du pancréas diminuait petit à petit, jusqu’à ce que les furets deviennent insuffisants pancréatiques. Les furets voient leur poids diminuer et développent un diabète. Les animaux souffrent également d’infections pulmonaires et décèdent finalement de lésions pulmonaires. D’autres expériences ont également pu montrer des réactions d’inflammation pulmonaire exacerbées.

 

Que représentent ces résultats à présent ?

Cette étude a prouvé qu’il existe une période critique (juste avant et après la naissance) durant laquelle le traitement à base de modulateurs CFTR serait capable de faire une différence fondamentale dans le déroulement futur de la maladie. Néanmoins, l’administration d’un médicament aussi porteur durant la grossesse et juste après la naissance n’est pas évidente. Principalement pour des raisons de sécurité. La recherche devra à présent montrer si une telle approche représente une possibilité à l’avenir.

L’article complet peut-être consulté ici.