Compte-rendu Conférence ECFS – Liverpool (UK)

La dernière réunion de la European Cystic Fibrosis Society s’est tenue à Liverpool, la ville du renommé club de foot et le lieu de naissance du groupe The Beatles. Le hall des congrès, situé dans l’ancien site portuaire désormais repris au patrimoine de l’UNESCO, a accueilli quelque 2.595 participants issus de 58 pays différents. Principalement des médecins, des chercheurs, des représentants de firmes pharmaceutiques, des membres des associations de patients, etc.

Une nouvelle fois, une grande attention a été portée aux modulateurs-CFTR. Là où les autres années, on présentait principalement les résultats d’études cliniques, cette fois, on disposait de résultats à long terme et de ‘real world evidence’. C’est-à-dire des résultats obtenus suite à des études menées avec des modulateurs CFTR dans la vie quotidienne, plutôt que dans un environnement contrôlé lors d’une étude clinique.

Ainsi 882 Britanniques et Américains atteints de mucoviscidose prenant du Kalydeco®, le potentiateur approuvé pour les personnes présentant des mutations gating de classe 3, ont été suivis durant cinq ans.  Et il a été démontré que chez ceux qui prenaient du Kalydeco®, la fonction pulmonaire restait plus stable ou évoluait même positivement. Par contre, chez ceux qui ne prenaient pas le médicament, on a pu constater un recul de la fonction respiratoire. D’autre part, une augmentation du BMI a également été mesurée dans le groupe Kalydeco®. Une diminution du nombre d’infections pulmonaires et d’hospitalisations, une réduction du nombre de diagnostics de diabète ainsi qu’une diminution des infections bactériennes chroniques ont aussi été relevées. Un résumé complet (en anglais) des résultats est à trouver ici. D’autres données attendues concernent l’influence des modulateurs CFTR sur la grossesse et l’enfant à naître. Le pourcentage de femmes atteintes de mucoviscidose désirant un enfant est en constante évolution. Et ce chiffre continuera à augmenter en fonction du nombre de femmes qui prendront des modulateurs. En effet, dans la mesure où celles-ci se sentiront de mieux en mieux de manière générale et que les modulateurs rendront le mucus présent dans le col de l’utérus de plus en plus accessible pour le sperme. Cela augmentera également les chances de grossesse spontanée. Dans une étude américaine, douze femmes enceintes ont été suivies qui prenaient soit de l’Orkambi® soit du Symkevi® (combinaison d’un correcteur et d’un potentiateur).

Cinq d’entre elles ont pris des modulateurs tout au long de leur grossesse. Les sept autres ont interrompu leur traitement durant le premier ou le second trimestre de leur grossesse afin de limiter l’exposition du fœtus. Pour trois d’entre elles, il a été nécessaire de reprendre le traitement aux modulateurs parce que l’état de santé de leurs poumons régressait de manière significative. Finalement, seule une maman a connu une complication durant sa grossesse liée à l’utilisation de l’Orkambi®. Les douze grossesses ont donné lieu à la naissance de bébés sans complications néonatales pouvant être liées à la prise de modulateurs par la maman.

Parmi celles qui avaient pris de l’Orkambi®, cinq femmes ont choisi d’allaiter leur bébé. L’allaitement s’est déroulé sans problèmes ni complications pour le bébé. Cette étude de petite échelle suggère que les effets des modulateurs-CFTR sur la grossesse et le futur bébé sont limités. Et qu’il est parfois au désavantage de la mère d’interrompre la prise de modulateurs-CFTR durant la grossesse. Il serait toutefois prématuré de tirer des conclusions définitives suite à cette étude qui nécessiterait de mener une recherche à beaucoup plus large échelle.

Juste avant le début du congrès, nous avons appris que Vertex soumettra cette année à l’Agence européenne des médicaments (EMA) une demande d’autorisation de mise sur le marché de la ‘triple thérapie combinée’ destinée au traitement des personnes présentant une mutation F508del minimum. La triple combinaison consiste en un potentiateur (Ivacaftor) et deux correcteurs améliorés (Tezacaftor et VX-445 mis sur le marché sous le nom d’Elexacaftor).

Vertex a pris cette décision sur base des résultats prometteurs, presque spectaculaires, de deux études cliniques de phase 3. Ces dernières ont montré que les participants ayant une mutation DelF508 avaient vu leur fonction pulmonaire augmenter de presque 14% en comparaison avec les participants ayant reçu un placebo. Relevons également une chute spectaculaire du nombre d’infections pulmonaires et le fait que les patients se sentaient globalement beaucoup mieux. L’Association Muco vous tiendra au courant des avancées de ce dossier, tant en Europe qu’en Belgique.

Malgré ces évolutions très positives, l’avenir nous réserve encore de nombreux défis à relever. Nous devons poursuivre le développement des traitements qui luttent contre la présence de mucus et de bactéries dans les poumons et les réactions d’inflammation qu’elle provoque. Cela concerne surtout les jeunes et les adultes dont les poumons sont déjà lésés par la mucoviscidose ainsi que les personnes qui n’entrent pas en ligne de compte pour le traitement aux modulateurs-CFTR. Une grande attention a été apportée à cette problématique lors du congrès européen. C’est ainsi que les premiers résultats de l’étude ‘IGNITE’ ont été présentés. Cette étude de phase 2 a étudié les effets de l’administration par intraveineuse du gallium chez 119 personnes atteintes de mucoviscidose. Le gallium est une molécule qui ressemble beaucoup au fer. Les bactéries, comme le Pseudomonas aeruginosa, ont besoin de fer pour toute une série de processus cellulaire. Entre autres, la fabrication de biofilms, le bouclier protecteur qui empêche les antibiotiques de tuer les bactéries. En administrant du gallium aux personnes atteintes de mucoviscidose, les bactéries se trompent et assimilent du gallium au lieu du fer, ce qui entrave une série de processus et les bactéries finissent par mourir. Après 14 jours, les chercheurs ont pu constater une légère, mais néanmoins visible, amélioration de la fonction pulmonaire et une diminution du Pseudomonas. Les scientifiques vont maintenant poursuivre des études à plus large échelle afin de déterminer si le gallium est susceptible de jouer un rôle significatif dans la lutte contre les bactéries chez les personnes ayant la mucoviscidose.

Neem Biotech, une firme de biotechnologie anglaise, mène actuellement des tests en laboratoire avec la molécule NX-AS-401. Les chercheurs sont déjà parvenus à montrer que NX-AS-401 est en mesure de briser le biofilm. Lorsque cette molécule, associée avec de la Tobramycine, un antibiotique couramment utilisé chez les personnes atteintes de mucoviscidose, est administrée à des souris, cela renforce l’action de l’antibiotique. Ce qui permet d’éliminer un plus grand nombre de bactéries. Neem Biotech continuera à développer cette molécule. Ce qui devrait, nous l’espérons, nous permettre de tester à l’avenir l’action de celle-ci chez des personnes atteintes de mucoviscidose. Le travail du Dr Martin Burke de l’Université de l’Illinois aux États-Unis mérite également d’être mentionné. Ce dernier a mis au point le concept de ‘prothèse moléculaire’ pour compenser l’absence ou le mauvais fonctionnement du canal CFTR. Il a découvert des molécules capables de former de nouveaux canaux dans les cellules afin d’assurer (en partie) la fonction de la protéine CFTR. L’Amphotéricine est une molécule actuellement sur le marché, qui permet de traiter les infections dues à un champignon. Mais elle est également capable de former des canaux. Tant dans la culture de cellules pulmonaires de personnes atteintes de mucoviscidose que dans les cellules pulmonaires de porcs atteints de mucoviscidose, l’équipe du Dr Burke a réussi à rendre à la couche de mucus sa forme aqueuse d’origine (au lieu d’être épais et dur) et son effet antibactérien. Comme l’Amphotéricine agit indépendamment du canal CFTR, cette approche pourrait s’appliquer à toutes les personnes atteintes de mucoviscidose, quelle que soit leur mutation. Le Dr Burke vient de publier ces résultats dans Nature, l’une des principales revues du monde scientifique. Il espère pouvoir débuter bientôt des essais cliniques. Son équipe a réalisé une vidéo accessible qui explique le  concept de ” prothèse moléculaire “. Vous pouvez la retrouver ici.

Un autre défi important est de veiller à ce que toutes les personnes qui entrent en ligne de compte pour le traitement aux modulateurs-CFTR puissent y avoir accès, de manière effective. Ce problème ne concerne pas seulement certains pays d’Europe de l’Est, mais également (comme nous ne le savons hélas que trop bien en Belgique), certains pays d’Europe de l’Ouest. En tant qu’association de lutte contre la mucoviscidose, il est nécessaire que nous réfléchissions à la manière de trouver une solution à ce problème. Une stratégie pourrait tout simplement consister à attendre l’expiration du brevet des modulateurs-CFTR actuel pour qu’ils puissent être copiés par d’autres entreprises et mis sur le marché à un prix plus concurrentiel. Cependant, il s’agit là d’une option dont nous ne pouvons pas nous satisfaire collectivement. Nous devons par conséquent faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir la découverte et le développement de nouveaux modulateurs plus efficaces. Ce ne sera pas simple. Les personnes atteintes de mucoviscidose déjà soignées avec des modulateurs (parce qu’ils sont remboursés ou dans le cadre d’une étude) ne seront pas prêtes à participer à une étude où elles courent le risque de se voir administrer un placebo. Pour les firmes pharmaceutiques, il est commercialement moins intéressant d’entrer dans un marché déjà existant plutôt que de créer un nouveau marché.

Cela dit, il existe des firmes qui développent actuellement de nouveaux modulateurs, comme Proteostasis Therapeutics. À côté des études cliniques réalisées avec leur propre correcteur et potentiateur, cette firme développe également ce qu’on appelle un ‘amplificateur’. Cette petite molécule veille à ce que le peu de protéine CFTR présente dans la cellule, soit augmenté. Ceci afin que le correcteur et le potentiateur puissent agir plus efficacement. Lors du Congrès européen, la firme en question a présenté les premiers résultats d’une étude clinique de phase 2 avec leur propre ‘triple combinaison’ (correcteur, potentiateur et amplificateur). Au cours de cette étude réalisée chez des personnes ayant deux copies de la mutation DelF508, après 14 jours, les chercheurs ont relevé une augmentation de la fonction respiratoire de 8%. Et ils pensent encore pouvoir augmenter ce résultat en administrant le médicament sur une plus longue durée. L’étape suivante consiste par conséquent en une étude de phase 2 chez les personnes ayant minimum une mutation DelF508.

Si l’Association Muco voit l’avenir de manière positive, elle reste néanmoins toujours vigilante et prête à relever les défis associés aux derniers développements scientifiques!